Résumé des épisodes précédents : durant la troisième répétition les choristes ont commencé à déchiffrer le Canon et le Chef a annoncé un " petit projet ".
21/04/2020 19h40
Episode 10
Après les vocalises d’usage, le chef préféra commencer par le Requiem… Il est comme ça le chef, lunatique, personne, encore moins lui-même, ne saurait dire pourquoi cet ordre… Il en a sans doute une petite idée, parce qu’il est chef, mais il aurait été hors de question qu’il puisse avouer… Il n’est pas n’importe quel chef, il est chef de la Chorale des Joyeux Gazouillis, et cela impose une certaine intuition… Et l’intuition ne s’explique pas…
Le Lacrimosa est en ré mineur, tonalité essentielle de ce Requiem, exactement au centre de l’œuvre, comme si, eau de vie du vivant, se concentrait en gouttes salées toute la douleur du monde… Mais pas de colère, pas de résignation, une carrure droite, altière, une dignité sans faille… D’abord deux mesures d’orchestre qui sont en soi un petit prélude... Une phrase hachée, rythmée par des sanglots simples et douloureux, réguliers, qui rythmeront toute la pièce… La goutte se forme et tombe… En deux temps plus un pour sa naissance… Deux mesures en un tout, ré mineur qui se sauve en élévation sur les quatre premiers temps, puis redescend jusqu’au même ré mineur, à la fois pesant et sans poids, de l’entrée du chœur…
Pas de sanglots, mais une difficile mélodie qui doit filer, regard limpide sur l’inéluctable… Deux mesures aussi, puis deux autres, perles sans crescendo, impassibles, retenues, surtout sans presser, avant deux autres mesures où l’affliction se pose et se transforme en culpabilité… L’homme sera jugé, le « us », bref, sera sa sentence, nette… Puis reviennent les larmes, avec cette incroyable structure menée par les basses qui, écartelées, poussent jusqu’à l’épine de la mesure onze, fortissimo… Tierce, quarte, quinte, sixte, octave… Il faut entendre cette désunion de l’unisson puis ensuite la montée chromatique par sauts d’octaves… Mozart insiste sur la culpabilité…
Puis, soudainement, mesure quinze, le pardon, tout en retenue, miséricorde implorée, l’Homme supplie… Il se tait, attend, l’orchestre continue seul… Enfin, avec une conviction sans retenue, le chœur demande, exige presque, le repos… Amen… Sans faiblir, car Mozart ne le veut pas…
Il faut bien l’avouer, après pareille répétition, le chœur est épuisé… Il n’a même pas eu le droit à sa pause… Il ne s’en plaindra pas mais il est bien heureux d’aller se coucher… A la semaine prochaine !
« Et le nouveau petit projet ? » osa demander un choriste…
Le chef bredouilla qu’il y avait encore quelques détails à résoudre avec la trésorière Alphonsine mais que c’était en bonne voie… Il y aurait des nouvelles très bientôt…
E.P.
A suivre…

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire