FEUILLETON 1 LE PREMIER JOUR DU NOUVEAU MONDE

Avant propos

Après notre mémorable interprétation de la Marche funèbre pour les funérailles d'un grand homme sourd, qui restera gravée dans les mémoires comme un grand moment de l'Histoire de la Musique, voici l'EVGF désormais plongé dans ce que l'on a aujourdhui coutume d'appeler dans les médias :

LA SÉRIE - ÉVÉNEMENT DE L'ÉTÉ 

Feuilleton entièrement réalisé, vous l'aurez deviné, par notre CHEF, EMMANUEL PLEINTEL, avec parfois la modeste contribution de quelques choristes ( des dames surtout, car le chef a des groupies )

Grâce à ce feuilleton plein de suspense et de rebondissements vous découvrirez les aventures d'Emmanuel le Chef, de la jeune Présidente aux qualificatifs homériques ( aux oreilles de lynx,  car c'est important les oreilles dans une chorale , aux cheveux au vent,  aux yeux de feu,  aux doigts de fée, aux pieds d'airain, à la robe de princesse australe, à la voix de velours, au toucher délicat, etc, etc ... ), d' Alphonsine ( la trésorière aussi redoutée que courtisée ), d'Aïda la pianiste, de Clarabelle, Philomène,  Eugénie, Eulalie, Rigobert, Aldebert, Lilibelle, Gisemonde, Prosper, Victorine, Agapanthe, Claudette, Isidore, Valentin et Valentine, Suzette, Domitille, Vladimir, Anagaëlle, Isaure, Eusèbe, Gontran, Sébastopaul, Léonide et Melchior 💑 , Griseldine, Isobulle, Berthille, Julinette, Rosilabelle, Isidore, Corentin, Childéric, Panisse, Pauline, Zélie, Lambertine, Gertrude, Balthazar, Guénolé, Iphigénie, Hectorine, Fabiola, Firminie, Béatanaëlle,Florimon, Hermilienne ... Et de tous les gazouilleurs farfelus.

Je me suis juste permis d'ajouter quelques illustrations, visuelles ou sonores. J'espère que l'auteur  ne m'en voudra pas.

J'ai limité autant que possible les remarques personnelles ( et pourtant ce n'est pas l'envie qui m'a manqué, le commentaire de textes littéraires étant ma spécialité. ) Mais je n'ai,  bien entendu, JAMAIS touché au texte : l'idée ne m'a même pas effleurée.

Enfin, l'histoire étant fort complexe, avant chaque nouvel épisode j'ai fait un mini-résumé des précédents.

À part ces additions minimes je n'ai fait que transcrire.

Et maintenant place au FEUILLETON !

EMMANUEL PLEINTEL EST À LA BARRE

Bonne lecture

 14/04/20 19:30

Episode 1

Au petit matin, le chef s’éveilla joyeusement, ébrouant ses sourcils maléfiques, sautant du lit avec la grâce d’une barcarolle et sifflotant le kyrie avec toutes les voix. La journée qui se préparait allait être exceptionnelle. En effet, à cause d’une directive gouvernementale due à la négligence d’un chinois qui avait laissé s’échapper du zoo un troupeau de mauvais animaux, le chœur dont il avait la charge n’avait pas répété depuis un temps qui ne se compte plus. Une bonne centaine de répétitions avaient disparu du calendrier, évaporées, annihilées, passées en pertes et profits.

Tant de mois sur une île déserte, il est vrai, c’est long. Tant de mois sans vocaliser, sans bavardages ni fugues, sans bisous ni Sainte-Cécile, aucune  Marseillaise, même pas de galette des rois, cela peut, nous le comprenons aisément, peser sur le moral d’une troupe si joyeuse à l’habitude. 

Mais le temps ne fait rien à l’affaire, les autorisations toutes tamponnées par les services lentement diligentés, le bonheur de se retrouver ne serait aucunement altéré. Le lien ne s’est pas défait, les courriers en furent la preuve, qui, quotidiennement, lancèrent de bonnes nouvelles, des blagues et des conseils pour chanter bouche fermée sans inspirer ni expirer afin de garder en soi les mauvaises effluences. Tout cela est du passé, l’avenir a retrouvé sa destinée, c’est aujourd’hui qu’ils se fiancent à nouveau, ce soir dans la grande salle du conservatoire, entre pianos noirs et bidules à faire du bruit… Les retrouvailles seront belles.

Après son petit-déjeuner, le chef s’est enfermé dans son bureau. Il a fouillé et, entre les 2 786 attestations de sorties dérogatoires,

 

les 345 patrons de masques

et les 78 boîtes de Chloroquine arôme chocolat, il a enfin trouvé le dossier CGF, Chorale des Gazouillis Farfelus, celui dont il aurait besoin le soir même. Un grand souffle fit décoller un nuage de poussière et les araignées, stupéfaites, allèrent se réfugier dans le manuel du parfait naufragé, comment faire son pain sans farine ou son hachis Parmentier sans pommes de terre ni viande.

Une fois le dossier retrouvé, le Chef se dit que pareille barbe risquait d’effrayer les premiers rangs du chœur. Ne pouvant aller chez le coiffeur car les listes d’attente ne laissaient aucun espoir pour les six prochains mois, il prit une paire de sécateur et se fit plus présentable. Ses sourcils, qui s’étaient rejoints par le haut, formant une sorte d’auréole sur le front, furent retaillés, gardant cependant leur célèbre tournure, celle qui fait tant gazouiller dans le canton.

De toute la journée il ne put se concentrer. Aucun projet ne sut trouver grâce à ses yeux. Il n’avait d’attention que pour ce premier mardi soir, comme si la sage-femme avait annoncé au futur père que la naissance serait pour la tombée du jour.

Il y croyait à peine, relu cent fois le mail de Clarabelle qui mentionnait bien que son écrit n’était pas une plaisanterie, et quand vint 19h45, fébrile mais sans fièvre, il commença sa marche à pas lent, dossier sous le bras, diapason en poche, vers le Conservatoire à Rayonnement Hygiénique.

 ( Note de B : " Hum... hum...le Chef et le chocolatier de
 la ruelle portent le même prénom . Coïncidence ? )

E.P.

 A suivre...