Résumé des épisodes précédents : les choristes de la CGF sont partis en tournée dans un autocar de luxe.
26/04/2020 19h34
Épisode 15
26/04/2020 19h34
Épisode 15
L’autobus roulait dans le sombre de la nuit, paisiblement,
en silence et sans brusquerie tant la suspension était douce. Tel une étoile
filante, il traversait les paysages nocturnes, champs, forêts, vallées et
collines, avec une aisance et une souplesse infinies. La lune clignait de ses
yeux facétieux dans le grand ciel étoilé, Vénus chantait une chanson d’amour,
Jupiter battait la mesure, Pluton grondait une basse obstinée, la voix lactée scintillait
avec malice et les cosmonautes qui tournaient autour de la terre depuis six
mois saluèrent de la main l’autobus écarlate. Depuis l’espace, il semblait une
fusée filante, aussi rapide qu’une astéroïde, satellite au raz du sol qui
semblait prêt à faire cent fois le tour de la terre.
A l’intérieur de l’engin, les rêves les plus fous animaient
les esprits des dormeurs. Claudette chantait à l’opéra le rôle de Tosca,
Isidore jouait à lui seul toutes les parties solistes du Requiem, Valentin préparait
des crêpes pour Suzette, Domitille comprenait enfin comment fonctionnait une
fugue, Valentine mangeait toutes les crêpes de Valentin. Ce qui fit que Suzette
fit un cauchemar et, tout à coup, alors que l’on passait sur un viaduc, elle se
mit à crier « Mes crêpes, je veux mes crêpes ! ». Mais personne ne l’entendit et la nuit reprit
sa fluidité reposante.
Le chauffeur se racontait des histoires à dormir assis et
pouvait ainsi conduire en toute sécurité. Il ne dépassait jamais la vitesse
allegro, réduisant jusqu’à largo quand il passait au travers d’un village.
Enfin, l’aurore aux doigts de rose montra sa clarté, les
yeux un à un s’ouvrirent et découvrirent le nouveau paysage qui ne ressemblait
en rien au Pays-d’Auge qu’ils avaient laissé la veille. Vers dix heures, de grandes
étendues de sable s’étendaient jusqu’à l’horizon, parfois traversées par des
colonnes de chameaux et dromadaires, vers onze heures on pouvait apercevoir la
banquise avec un ballet de pingouins répétant le Lac des Cygnes et à midi, une
forêt de bouleaux laissait apercevoir, de temps en temps, des bulbes dorés.
Le repas fut servi, aussi bon que la veille et à quatorze
heures, ainsi que la feuille de route le précisait, l’autobus s’arrêta sur une
aire aussi belle qu’un jardin anglais. Il était l’heure du premier concert, un
concert de joie, de libération.
Les choristes sortirent de l’autocar, prirent dans leurs valises les beaux habits de concert et, dans une grande tente aménagée avec
soixante loges individuelles, se préparèrent, habillage, coiffage, maquillage
et vocalises.
Le régisseur sortit le piano par une petite rampe aménagée
avec un moteur qui ne demandait aucun effort, Vladimir l’accorda, on ouvrit l’aile
pour que le son aille au loin et Aïda se mit au clavier.
Il fallut attendre que le public soit au complet,
perroquets, loutres, libellules, éperviers, faisans, crocodiles, fourmis,
girafes, araignées, musaraignes, pandas… enfin, tout ce que la contrée contenait
de mélomanes avertis.
Ce premier concert eut pour thème le bisou, qui avait tant
manqué ces dernières années. 😚 L’on chanta d’abord le Cantique de Jean Brasse :
Notre unique espérance
Joue éternelle etc.
Vint ensuite l’Ave
bisum corpus puis la Messe des Lèvres 👄 et enfin Mille baisers, œuvre si
célèbre de Josquin des Prés.
Le public fut ravi, exigea douze rappels et réclama vingt
six bis. Aïda dut même rejouer, tant cela avait été apprécié, les fameux Trois Morceaux en forme de bisous.
Après cela il y eut une petite garden-party anglaise, avec
des cakes anglais, des sandouiches anglais, des petits-fours anglais et du thé
chinois. Le régisseur, en appuyant sur le bouton, actionna le moteur qui
remonta le piano, chacun remit sa tenue de ville, reprit sa place dans l’autobus
et, après le Pschiiiiittt qui ferma la porte, l’autobus reprit sa route sous
les saluts bienveillants du public enthousiaste…
E.P.
A suivre…
A suivre…


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