lundi 27 avril 2020

EPISODE 15 DISTRIBUTION DE BISOUS DANS L'ARCHE DE NOÉ

Résumé des épisodes précédents : les choristes de la CGF sont partis en tournée dans un autocar de luxe.



26/04/2020 19h34

Épisode 15

L’autobus roulait dans le sombre de la nuit, paisiblement, en silence et sans brusquerie tant la suspension était douce. Tel une étoile filante, il traversait les paysages nocturnes, champs, forêts, vallées et collines, avec une aisance et une souplesse infinies. La lune clignait de ses yeux facétieux dans le grand ciel étoilé, Vénus chantait une chanson d’amour, Jupiter battait la mesure, Pluton grondait une basse obstinée, la voix lactée scintillait avec malice et les cosmonautes qui tournaient autour de la terre depuis six mois saluèrent de la main l’autobus écarlate. Depuis l’espace, il semblait une fusée filante, aussi rapide qu’une astéroïde, satellite au raz du sol qui semblait prêt à faire cent fois le tour de la terre.



A l’intérieur de l’engin, les rêves les plus fous animaient les esprits des dormeurs. Claudette chantait à l’opéra le rôle de Tosca, Isidore jouait à lui seul toutes les parties solistes du Requiem, Valentin préparait des crêpes pour Suzette, Domitille comprenait enfin comment fonctionnait une fugue, Valentine mangeait toutes les crêpes de Valentin. Ce qui fit que Suzette fit un cauchemar et, tout à coup, alors que l’on passait sur un viaduc, elle se mit à crier « Mes crêpes, je veux mes crêpes ! ». Mais personne ne l’entendit et la nuit reprit sa fluidité reposante.

Le chauffeur se racontait des histoires à dormir assis et pouvait ainsi conduire en toute sécurité. Il ne dépassait jamais la vitesse allegro, réduisant jusqu’à largo quand il passait au travers d’un village.

Enfin, l’aurore aux doigts de rose montra sa clarté, les yeux un à un s’ouvrirent et découvrirent le nouveau paysage qui ne ressemblait en rien au Pays-d’Auge qu’ils avaient laissé la veille. Vers dix heures, de grandes étendues de sable s’étendaient jusqu’à l’horizon, parfois traversées par des colonnes de chameaux et dromadaires, vers onze heures on pouvait apercevoir la banquise avec un ballet de pingouins répétant le Lac des Cygnes et à midi, une forêt de bouleaux laissait apercevoir, de temps en temps, des bulbes dorés.

Le repas fut servi, aussi bon que la veille et à quatorze heures, ainsi que la feuille de route le précisait, l’autobus s’arrêta sur une aire aussi belle qu’un jardin anglais. Il était l’heure du premier concert, un concert de joie, de libération.

Les choristes sortirent de l’autocar, prirent dans leurs valises les beaux habits de concert et, dans une grande tente aménagée avec soixante loges individuelles, se préparèrent, habillage, coiffage, maquillage et vocalises.

Le régisseur sortit le piano par une petite rampe aménagée avec un moteur qui ne demandait aucun effort, Vladimir l’accorda, on ouvrit l’aile pour que le son aille au loin et Aïda se mit au clavier.

Il fallut attendre que le public soit au complet, perroquets, loutres, libellules, éperviers, faisans, crocodiles, fourmis, girafes, araignées, musaraignes, pandas… enfin, tout ce que la contrée contenait de mélomanes avertis.



Ce premier concert eut pour thème le bisou, qui avait tant manqué ces dernières années. 😚  L’on chanta d’abord le Cantique de Jean Brasse :

             Bise égale au Très-Haut  💋

            Notre unique espérance

            Joue éternelle etc.

Vint ensuite l’Ave bisum corpus puis la Messe des Lèvres 👄 et enfin Mille baisers, œuvre si célèbre de Josquin des Prés.

Le public fut ravi, exigea douze rappels et réclama vingt six bis. Aïda dut même rejouer, tant cela avait été apprécié, les fameux Trois Morceaux en forme de bisous.

Après cela il y eut une petite garden-party anglaise, avec des cakes anglais, des sandouiches anglais, des petits-fours anglais et du thé chinois. Le régisseur, en appuyant sur le bouton, actionna le moteur qui remonta le piano, chacun remit sa tenue de ville, reprit sa place dans l’autobus et, après le Pschiiiiittt qui ferma la porte, l’autobus reprit sa route sous les saluts bienveillants du public enthousiaste…


E.P.

A suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire