mardi 5 mai 2020

FEUILLETON 23 UE I-OIE E O-YÈE ( = UnE hIstOIrE dE vOYEllEs)


Résumé des épisodes précédents : le trajet en bus est long, ça commence à jaser parmi les choristes... Une nouvelle répétition se passe très bien, le Chef est à nouveau fringant et tout le monde arrive en forme à Iiiiiiiii. Cependant la partition rose reste introuvable...



04/05/2020 19h10


Épisode 23





En cette fin de matinée, les choristes préférèrent la découverte des tavernes plutôt que celle des marchands de souvenirs. Ils dégotèrent rapidement, menés par les basses, expertes en la matière, les meilleurs repaires de la cuisine locale. Il y en avait tant que chacun put trouver fourchette à son goût. La troupe se répartit dans les différents restaurants et se plongea, attentive, dans la lecture des menus.

Chacun devait confectionner son plat grâce à un savant mélange de voyelles. Dans ce pays, comme d'autres sont végétariens, les habitants ne supportent que le voyellisme, cuisine de laquelle toute consonne est exclue, pour des raisons de santé et de bien-être. On pouvait bien évidemment prendre des i seuls, ou des a, mais on pouvait mélanger tout à loisir. Le ia était excellent, paraît-il, comme le ou ou le oie. Certains osèrent même des mélanges complexes comme l'ouïe confite ou le fameux yoyo gratiné. Évidemment, on ne pouvait boire que de l'eau, plate ou gazeuse, ferrugineuse à souhait.




Ensuite, il fallut se rendre à l’église Sainte-Aiyoue, de style néo-voyellique, admirable architecture aux vitraux relatant la vie des voyelles au cours de l’histoire sainte.


On pouvait même admirer un grand cadre évoquant le début de la Saint-Bible, fait de deux voyelles, c’est dire leur importance. Tout était en place, le podium étagé, un piano à touches blanches uniquement et une petite estrade en forme de O pour le Chef. Sur le pupitre était déjà posée la Partition Verte à Petits Pois. Le chef l’ouvrit, Aïda compta toutes ses touches blanches et la répétition put commencer.

Un vrai miracle ! Le chef n’eut aucune remarque désobligeante à faire, aucune fausse note, aucune consonne ne vinrent entacher cette répétition qui promettait un merveilleux concert. Le chef était heureux, et félicita Aïda d’avoir manié à la perfection un tel clavier immaculé.

Les choristes vaquèrent à leurs occupations, visite du Musée de la Voyelle, promenades au bord du Lac Ou, achats de quelques Y en cristal, magnifiques objets que l’on doit poser à l‘envers afin qu’ils puissent tenir en équilibre. Cet emblème rappelait les amitiés ancestrales avec la Grèce qui, de l’autre côté de l’isthme, découpait sur le ciel ses côtes ciselées.



Le chef, lui, rentra directement à l’autobus. La disparition de la Partition Rose lui encombrait l’esprit. Il fouilla encore là ou il pouvait le faire dans le car, il ne trouva rien. Il se dit qu’il faudrait absolument en prévenir le chœur avant le concert du soir. Or, Pauline, qui avait un peu mal aux pieds, rentra plus tôt que les autres. Il se trouve que Pauline, étant du métier, est la personne idéale à qui en parler en premier. Le chef lui expliqua la situation et Pauline le rassura.

 - Ne t’inquiète pas, voilà un nouvel épisode qui trouvera sans aucun doute la solution. Où as-tu vu cette Partition Rose pour la dernière fois ?

- Heu… Je ne suis pas complètement sûr mais il me semble que c’est sur la bibliothèque de la salle des répétitions, juste derrière le piano.

- Allons jeter un œil…

Tous deux montèrent à l’étage par l’escalier décoré de coquillages bretons et Pauline inspecta minutieusement la bibliothèque, puis, à quatre pattes, la moquette de soie rouge, loupe à la main…

- Tiens tiens ! Qu’est ce que c‘est ? On dirait un tout petit bout de plume d’oiseau…

Pauline sortit un mouchoir de sa poche droite, prit délicatement l’indice à l’intérieur du tissu et fit doucement glisser dans un petit sac en plastique qu’elle sortit de sa poche gauche le petit objet blanc.

- J’étudie cette pièce et je te soumettrai mon analyse avant le concert. Mais surtout, n’en parle pour l’instant à personne. Il ne faudrait pas qu’un suspect éventuel soit alerté de l’avancée de l’enquête. A ce stade, il vaut mieux rester discrets. Une plume, ça ne te dit rien ?

Le Chef réfléchit un instant et pensa à Zélie qui souvent portait des chapeaux avec une ou deux plumes.



 - Hum hum, intéressant, fit Pauline qui partit dans sa cabine retrouver son petit laboratoire portatif.

Le Chef, rassuré car la spécialiste était sur l’affaire, se détendit en improvisant une pièce lunaire uniquement sur les touches noires.

Le chœur revint à l’autobus comme un compte goutte au fond du verre et Zélie, dés qu’elle fut sur l’escalier, cria à qui voulut l’entendre :

- Regardez, il y avait un magasin formidable. J’ai pu acheter une plume pour mon chapeau. Elle est vraiment magnifique.






Les choristes présents la félicitèrent de cet achat et commencèrent à se préparer pour le concert de voyelles à l’église Saint-Aiyoue.








E.P

A suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire