dimanche 1 décembre 2019

LE REQUIEM DE MOZART, RUMEURS ET FAKE NEWS


Non, notre époque et les réseaux sociaux n'ont pas inventé les fausses informations, les rumeurs, la manipulation ou le complotisme ! 

Rien que de parler du " Requiem DE Mozart " est déjà peut-être un mensonge puisqu'il n'en a écrit qu'une partie...

Le film Amadeus de Milos Forman (1984) exploite à fond  certaines " légendes " qui entourent la mort de Mozart, si bien que ce film n'est en rien une biographie ( ce qui n'en fait pas pour autant un mauvais film ! ) Mais il a parfois été compris au premier degré.

Mes recherches sur internet m'ont souvent amenée sur des sites mal renseignés et paresseux, qui se contentent de répéter des affirmations erronées. Et ça n'a  pas été facile de faire la part des choses... Heureusement plusieurs recherches sérieuses m'ont semblé fiables. Et je remercie Jacky de m'avoir prêté le beau et passionnant livre de Florence Badol-Bertrand, Requiem. Au coeur de l'oeuvre ultime de Mozart, qui m'a permis de rectifier des erreurs et d'éclaircir bien des incohérences.



  • Salieri, un vieux rival aigri ?
Pas vraiment !

Né en 1750, il n'a que six ans de plus que Mozart, il a donc 41 ans à la mort de celui-ci.

Arrivé à Vienne en 1766, il devient vite important et va occuper la charge de Maître de Chapelle de l'Empereur Joseph II. À ce titre il supervise toute la musique de la Cour. Il a une excellente situation, il a beaucoup de succès auprès du public difficile qu'est l'aristocratie viennoise,  autant voire plus de succès que Mozart lui-même. Il a bien sûr repéré le génie de celui -ci, peut-être en est-il un peu jaloux... Il s'efforce néanmoins de faire connaître la musique de Mozart et de le soutenir. Un personnage qui n'a donc rien d' antipathique







  • Salieri, commanditaire machiavélique du RequiemPuis le terminant sous la dictée de Mozart mourant ?
Ah ah ! Ni l'un ni l'autre !

Tout ceci est une légende sortie de l'imagination fertile des Romantiques. On la trouve pour la premiere fois chez Stendhal, puis chez Pouchkine dans sa pièce Mozart et Salieri  (1830 ), puis dans la pièce de Peter Shaffer Amadeus (1978 ) et dans le film de Milos Forman en 1984.


En fait le commanditaire s'appelle Franz von Walsegg. Il s'agit d'un comte autrichien qui joue de la musique, organise des concerts privés, compose lui même des oeuvres. Ou plutôt fait croire qu'il les compose : conscient de son manque de talent, il commande des oeuvres à différents musiciens, recopie leurs partitions, les signe et prétend qu'il en est l'auteur !
Il est fou amoureux de sa femme Anna, qui meurt brutalement en 1791 à l'âge de 20 ans. Le comte, qui n'a lui-même que 28 ans, est effondré. Il décide de composer pour elle un Requiem. N'y parvenant pas, il fait comme d'habitude : il passe commande à Mozart par l'intermédiaire d'un ami, qui devient le mystérieux " messager en gris ". Celui-ci propose 50 ducats dans l'immédiat et promet une grosse somme versée à l'achèvement de l'oeuvre. Mozart ( qui a des difficultés financières ) accepte la proposition et promet le Requiem pour le 14 février 1792 ( jour anniversaire de la mort d'Anna ). A-t-il deviné qui était le commanditaire ? C'est possible : il connaissait les Walsegg et tout le monde n'était pas dupe des pratiques du Comte.
On est à la mi- juillet 1791 et Mozart travaille alors à La Flûte enchantée ( qu'il terminera fin septembre ), il commence La Clémence de Titus en août et n'entame le Requiem qu'en octobre. Mais il tombe malade le 20 novembre et meurt le 5 décembre, à 35 ans. Bien que relancé par le " messager ", il n'a pas terminé son Requiem.
En fait il n'a totalement écrit que le premier morceau et presqu'entièrement le "Kyrie" ( auquel il manque l'orchestration ). Il a composé des passages ( souvent des parties vocales, parfois des parties instrumentales ) écrits sur des bouts de papier,  jusqu'à " l'Hostias ". Pour le reste, à partir du " Sanctus " donc, on ne sait pas très bien, car plus rien n'est écrit de la main de Mozart. Il est fort possible qu'il ait donné des indications à un ou des élèves ( Franz-Xaver Süssmayer  ne l'a  quasiment pas quitté durant la composition du Requiem ). Il a pu aussi dicter des passages, ce qui était une pratique assez courante, tout comme de laisser terminer par un collaborateur une oeuvre largement ébauchée.

Mozart a-t-il conçu la totalité du Requiem ( sans avoir le temps de tout écrire de sa main ) ? Ou Süssmayer l'a-t-il terminé seul ? On ne sait pas répondre à cette question. En tout cas, pas de trace de Salieri dans tout ça !

Introït du Requiem
De la main de Mozart


  • Mozart empoisonné ?
C'est peu probable.

Là encore, la rumeur a prétendu beaucoup de choses. Il existe plus de 100 hypothèses sur les causes de la mort de Mozart ! L'empoisonnement en fait partie. Mais aujourdhui on pense plutôt à une maladie infectieuse ayant provoqué une forte fièvre, ou à une affection rénale. Et ceux qui croient à un empoisonnement pensent plutôt à une intoxication médicamenteuse qui aurait détruit les reins.

On a donc complètement abandonné la thèse de la responsabilité de Salieri, qui non seulement était présent aux obsèques de Mozart mais est même devenu le professeur de musique du jeune Franz-Xaver Mozart après la mort de son père. Il est vrai que dans ses vieux jours Salieri s'est accusé d'être responsable de la mort de Mozart. Mais il était atteint de démence sénile et s'est rétracté dans un moment de lucidité. Quelle histoire !

On ne connaîtra sans doute jamais les causes exactes de la mort de Mozart : selon la coutume à Vienne à l'époque, il a été enterré dans un caveau commun ( et non " jeté à la fosse commune ", encore une fable ! ) Si bien que lorsqu'on a recherché son corps plusieurs années après sa mort, personne n'a réussi à le retrouver. ( Et la découverte de son crâne aussi est une fable ! ☹ )

Et... il ne neigeait pas à Vienne le jour de l'enterrement ( on a retrouvé des témoignages. ) Mozart n'a pas eu un " enterrement de pauvre ", mais celui de la plupart des Viennois, afin de limiter les épidémies : cimetière éloigné de la ville, nombre restreint de personnes pour accompagner le cercueil, caveau commun sans indication de nom pour éviter que l'on se recueille sur les tombes... 

  • Une série de supercheries
À la mort de son mari, Constance, veuve à 29 ans, a cruellement besoin d'argent et décide d'honorer la commande. Elle rassemble tous les documents dont elle dispose et fait appel à des élèves- collaborateurs de Mozart : Joseph Eybler ( 26 ans ), le plus doué, Franz-Xaver Süssmayer (25 ans ), moins doué... mais qui possède une écriture ressemblant à celle de Mozart, peut-être aussi Franz Jacob Freystädler ( 30 ans). On ne sait pas très bien qui a écrit quoi, mais ils terminent le Requiem. Süssmayer recopie la totalité de la partition et imite la signature de Mozart.
Le comte récupère la partition en 1792 et, selon son habitude, la recopie à son tour. Et le Requiem est exécuté le 14 décembre 1793. On joue donc ce jour- là un Requiem soi disant de Walsegg, qui a recopié une partition qu'il croit être de la main de Mozart mais qui en réalité est de celle de Süssmayer ! 🤔 Vous me suivez ? ! Et le Comte pouvait -il vraiment être dupe ?
Ajoutons, pour brouiller encore un peu plus les pistes, que Süssmayer a assez mal imité la signature et qu'il a daté sa partition de 1792 !!! Pourquoi ? Il ne peut pas s'agir d'une erreur. Une sorte de " message" de sa part ?

Constance révèlera en 1799 que le Requiem de Walsegg est de Mozart. Et plus tard encore qu'il n'est que partiellement de lui !

De nombreux spécialistes se sont penchés et se penchent encore sur les partitions , étudient  l'écriture et le style musical de chaque passage, afin de déterminer le plus précisément possible ce qui appartient à chacun des auteurs. 

Malgré leurs découvertes, toute leur science n'efface pas le mystère et la fascination exercée par cette oeuvre mythique.

Commandée pour honorer une morte de 20 ans par un homme fou d'amour et de chagrin,  qui ne se remariera jamais, mais qui reste un grand mystificateur.

Commencée par un génie de 35 ans qui meurt lui-même dans des circonstances mal élucidées.

Terminée secrètement  par des élèves dont le talent n'atteint pas celui du Maître mais qui parviennent à se transcender - personne n'a jamais compris comment - et qui restent dans l'ombre sans rien revendiquer.


Et à la fin des fins
la sublime musique du Requiem
que l'on croirait venue d'un autre monde...



Les protagonistes

Mozart
Le Comte de Walsegg
Constance
Süssmayer
Eybler
( Tous sont morts en emportant leurs secrets.)

Et bien sûr la belle et douce Anna,
sans laquelle (et sans l'amour qu'elle a inspiré )
le Requiem n'existerait pas.

Pour eux tous : " Requiem aeternam donna eis, Domine. "

mercredi 27 novembre 2019

CEST DU JOLI !


Non, vous ne rêvez pas ! 

Il s'agit bien de notre vénéré chef

EMMANUEL PLEINTEL

entrain de discourir

avec son litron posé sur le piano ! 🍷



Ah ! Il s'en passe des belles à Gabriel Fauré !
Répétition " Beaujolais nouveau " 
🍷 hic ! on aurait préféré 🍾       
.

GABRIEL BATAILLE


Un autre musicien sur lequel je n'ai pas trouvé grand chose...

Il a vécu à l'extrême fin de la Renaissance (1574 ou 15751630. Règnes d'Henri IV et Louis XIII. Le futur Louis XIV naîtra en 1638 ), principalement à Paris où il est mort. 

Il fut chanteur et luthiste et semble avoir composé essentiellement des arrangements pour luth de chansons déjà connues. Il est le spécialiste des " airs de cour " : des airs très en vogue en France à la fin du XVIème siècle et qui disparaîtront au début du règne de Louis XIV. Ils sont composés généralement pour une seule voix ( rarement plus ) et luth. Ils figurent parfois dans des ballets. Leur origine est populaire et ils sont transformés par et pour les milieux " mondains ".
Gabriel Bataille publie ainsi entre 1608 et 1615 six livres " d'Airs de différents autheurs mis en tablature de luth ". Il y ajoute quelques oeuvres personnelles. Il est l'ami du grand imprimeur parisien Pierre Ballard qui publie et diffuse ses livres.
La chanson à boire " Qui veut chasser une migraine " figure dans l'édition de 1615 et serait une composition de Gabriel Bataille lui-même.



À partir de 1617 il devient maître de musique à la Cour de Marie de Médicis puis en 1624 à celle d'Anne d'Autriche ( épouse de Louis XIII et mère de Louis XIV ), en alternance semestrielle avec Antoine Bouësset. Il va être nommé surintendant de la musique et  organiser les fêtes de Louis XIII.

À sa mort en 1630 l'un de ses 4 enfants, Gabriel II, héritera de sa charge.



          " Qui veut chasser une migraine..."

Deux versions bien différentes : la soprano Nicole Jordan et, en plus martial, le groupe Tri Yann !

samedi 23 novembre 2019

ROLAND DE LASSUS


Roland de Lassus ou ORLANDUS LASSUS ( en latin ) ou ORLANDO DI LASSO ( il a passé du temps en Italie ) ou ORLANDE DE LASSUS ( en français recherché )  ou enfin, et plus prosaïquement, ROLAND DELATTRE.  
Surnommé par Ronsard et ses contemporains " le divin Orlande " ou " le Prince de la musique " et plus tard " l'Orphée belge " . Ces surnoms témoignent de son immense talent et de sa notoriété.

Il est né en 1532 à Mons, dans la province du Hainaut ( comme Josquin Des Prés  ) et mort en 1594 à Munich. Il appartient donc à la célèbre École franco-flamande dont lui et son prédécesseur Josquin sont les maîtres incontestés ( Josquin est mort une dizaine d'années avant la naissance de Roland de Lassus ).

Il commence à étudier la musique à Mons. Il chante à l'église et, comme il possède une voix exceptionnelle, il intègre rapidement la maîtrise de Mons.
En 1544 ( il n'a que 12 ans ) il part pour la Sicile au service du vice-roi Ferdinand Ier Gonzague. Il va alors devenir l'un  de ces " musiciens-voyageurs ", comme Josquin, Nicolas de la Grotte et bien d'autres.
En 1547 il est à Milan. Il commence à enrichir sa musique grâce à l'influence italienne.
En 1550  on le retrouve à Naples. Il continue de chanter et compose ses premières oeuvres.
En 1551 il est à Rome. En 1553-1554 il est maître de chapelle à Saint- Jean- de- Latran
( Et c'est Palestrina qui le remplacera ). 
Puis il " remonte " vers le Nord à la suite du décès de ses parents. En 1555 il est à Anvers où il publie ses premières oeuvres et d'où il voyage en France et en Angleterre.
En 1556 il est appelé à Munich à la Cour d'Albert V de Bavière, en qualité de ténor. Puis on le charge de recruter d'autres chanteurs, il devient ensuite maître de chapelle en 1563, et finalement organise toute la vie musicale de la cour. Une vie musicale extrêmement brillante et enviée dans toute l'Europe. Lassus se fixe à Munich et y fonde une famille ( de musiciens bien sûr ! ) Cela ne l'empêche pas de continuer à voyager : Italie, France, Autriche... Il est extrêmement célèbre, il chante, il compose, il donne des cours... Malgré les offres alléchantes qui lui sont faites un peu partout, il restera à Munich jusqu'à sa mort. Il est anobli en 1570, fait rare pour un musicien à cette époque.  Il semblerait que dans les dernières années de sa vie il ait souffert de
" mélancolie " ( l'ancien nom de la dépression ). À cause " d'une puce dedans l'oreille " peut-être ? ! 😉 ( pardon pour cette vilaine plaisanterie ! ) Mais cela ne l'a pas empêché de continuer à composer des oeuvres qui comptent parmi les plus belles, comme les Lagrime di San Pietro. On sait qu'en 1594 il était sur le point d'être congédié ( eh oui les artistes font toujours les frais des restrictions budgétaires... ) Sa mort lui a au moins épargné cette épreuve injuste.


La production du Divin Orlande est colossale : plus de 2000 oeuvres, presque toutes signées et donc indiscutablement de lui.
Il s'agit évidemment de musique polyphoniquesacrée ou profane.
Il excellait dans tous les genres et il a su réaliser la difficile alliance entre une technique de très haut niveau et une remarquable expressivité. On comprend l'admiration qu'il a suscitée  de son vivant et l'influence qu'il a eue sur ses contemporains et sur tous les compositeurs qui lui ont succédé.

Des messes
Beaucoup de messes-parodies ( basées sur des mélodies déjà existantes ).
Une messe  m'a vraiment amusée, c'est la Missa entre vous filles (1581 ). Elle a pour base une chanson française carrément obscène, " Entre vous filles de 15 ans "...

" Kyrie "
Ce qu'on peut faire, hein, à partir d'une chanson paillarde ! 

Apparemment ni l'Église ni les fidèles n'y trouvaient à redire... Bon, évidemment, seule la mélodie était utilisée ! Mais qu'en serait-il de nos jours ?


Des motets, dont Lassus est un des maîtres.
Voici le motet De Profundis ( psaume 130, 1584 ), un des sommets du genre.

Par the Christ Church Cathedral Choir, Oxford. 



Plusieurs Magnificat et Passions


Des chansons de toutes sortes, rédigées en 5 langues ( conformément aux principes des Humanistes ) : latin, italien ( madrigaux ), allemand ( Lieder ), néerlandais  et français.
Les chansons peuvent aller du style le plus grave au plus burlesque, en passant par tous les registres. Lassus compose aussi bien à partir de textes des plus grands poètes ( Marot, Ronsard, du Bellay, Baïf,  Belleau...) que de chansons populaires.
Voici l'un des " tubes" du XVIème siècle, " Suzanne un jour " sur un texte du poète Guillaume Guéroult, arrangé par de nombreux musiciens, dont Orlandus.

Par l'ensemble Vox Luminis.

Et notre " puce " (1576), dans une interprétation très différente de la nôtre ( notre chef à nous a l'air vraiment accablé par l'histoire de ce pauvre garçon avec sa puce dans l'oreille ☹ )
Par l'ensemble Clément Janequin. 

Et enfin, un extrait de la dernière oeuvre de ce " Prince de la musique " que fut véritablement Orlandus  Lassus, le " Il magnanimo Pietro " des  Lagrime di San Pietro, suite de madrigaux religieux terminée six semaines avant sa mort.


Par l'Ensemble Vocal Européen.

jeudi 21 novembre 2019

PETIT CLIN D'OEIL À MES AMIS CHORISTES





THOINOT ARBEAU


Thoinot Arbeau est l'anagramme du véritable nom de JEHAN TABOUROT ( les mêmes lettres, dans un autre ordre ), né en 1520 à Dijon et mort en 1595 à Langres.



Il fait des études de droit dans sa ville natale et à Poitiers et obtient une licence, en vue de devenir avocat.
Il est pourtant ordonné prêtre et officie à partir de 1542 à la Cathédrale de Langres dont il devient chanoine en 1545 ou 1547. Après l'incendie de 1562 il dirige la réfection de la Cathédrale.
Cathédrale St Mammès de Langres

Puis il est chanoine trésorier  à Bar-le-Duc en 1565.
Enfin en 1567  il retourne définitivement  à Langres où il devient chantre et vicaire général du diocèse. Une belle carrière ecclésiastique ! Mais une exception parmi les
" musiciens voyageurs ".


C'est en 1589 qu'est publiée sous le pseudonyme de Thoinot Arbeau l'oeuvre qui l'a rendu célèbre,  son ORCHÉSOGRAPHIE.
Il s'agit d'un traité de danse. Eh oui... notre chanoine savait danser ! Souvenir sans doute de son passé d'étudiant. L'importance sociale de la danse étant reconnue par tous à l'époque ( les Jésuites par exemple l'enseignaient dans leurs écoles ), il n'était pas "mal vu " qu'un chanoine aborde ce sujet.


Le traité se présente sous la forme d'un dialogue vivant et plein d'humour entre un élève débutant nommé Capriol et son professeur de danse (qui n'est autre que Thoinot Arbeau bien entendu ). 50 danses environ sont expliquées et accompagnées d'illustrations d'un artiste inconnu mais qui pourrait être... Thoinot Arbeau lui-même. Décidément,  un homme complet ce chanoine !
Une des illustrations de l'Orchésographie.

Ce traité est très novateur non seulement par sa forme dialoguée mais aussi parce qu'il associe texteimages et musique. Internet avant l'heure !


La chanson " Belle qui tiens ma vie " est la pièce principale et la plus complète de l'Orchésographie : elle sert de base à  l'explication de la pavane ( qui se danse en couple sur un rythme lent ) et propose des paroles chantées à 4 voix et un arrangement musical au tambourin.
Tablature de " Belle qui tiens ma vie "

Cette chanson a connu un immense succès, elle a été reprise maintes et maintes fois avec des arrangements différents. On la trouve même dans la série  Kaamelot dans la bouche du Roi Arthur ( et tant pis pour l'anachronisme !)

" Belle qui tiens ma vie..."
Jordi  Savall


Et pour ceux que ça intéresse :
Une petite leçon de danse !



mercredi 20 novembre 2019

NICOLAS DE LA GROTTE


Cet article va être court car je n'ai presque rien trouvé sur ce compositeur né en 1530 et mort vers 1600.

Selon Wikipedia en anglais, il s'appellerait de la Grotte ou... de la Crotte ! Petite perfidie des anglais ? ! 😉

À part ça il jouait de l'orgue et de l'épinette et fut l'auteur d'une centaine de chansons ( de 3 à 6 voix mais le plus souvent à 4 voix), de leur transcription pour luth, d'une pièce pour luth seul et d'une Fantaisie pour orgue.  Il semble avoir été un organiste réputé.

Il était en relation étroite avec l'Académie de Musique et de Poésie fondée par Jean-Antoine de Baïf et s'est fait une spécialité de mettre en musique de nombreux poèmes de Ronsard et, dans une moindre mesure, d'autres poètes du groupe de la Pléiade : Rémy Belleau, Joachim du Bellay, Baïf ou Philippe Desportes... Le texte de la chanson " Quand ce beau printemps je vois "  (1569), que nous chantons, est d'ailleurs de Ronsard. Contrairement à d'autres il n'aurait composé ni messe ni motet.



On connaît apparemment assez mal sa vie : rien jusqu'en 1557 où il est au service du Roi de Navarre, Antoine de Bourbon, à Pau. En 1562 il entre au service d'Henri de Valois, duc d'Anjou et futur Henri III dont il devient " valet de chambre et organiste ordinaire " en 1574, une charge prestigieuse. On perd sa trace entre 1586 et 1589 et on le retrouve à Tours en 1590, auprès d' Henri IV qui vient de succéder à Henri III assassiné . Tours est alors la capitale provisoire du royaume, car plus calme que Paris pendant les guerres de religion.
Nicolas de la Grotte semble donc avoir été essentiellement un musicien de cour.

Je vous épargne les vidéos que j'ai pu trouver sur YouTube : soit ce sont des adaptations des mêmes textes mais par d'autres compositeurs, soit, comment dire... elles ne m'ont pas convaincue ☹ ☔ 🔇

Désolée, je n'ai rien trouvé de plus. Même pas un portrait de Nicolas. 😭
Emmanuel, si tu lis cet article, peut-être pourrais-tu le compléter ? Ou quelqu'un d'autre ?  

mardi 19 novembre 2019

COMPTE RENDU D'EMMANUEL


Voici le lien pour accéder au compte- rendu du concert du 10 Novembre, fait par Emmanuel dans le plus pur style Emmanuelien !

Le titre : " Critique faite par le critique venu critiquer notre concert..."

Bonne lecture !

Cliquez sur Critique (puis sur Word)

lundi 18 novembre 2019

JOSQUIN DES PRÉS




Le seul portrait de Josquin à être considéré comme fiable.
Par Boris van der Straetes.

Beaucoup de mystère entoure ce compositeur.

Tout d'abord son nom, puisqu'on l'appelle Josquin ( ou Jossequin ) Des Prés/ Des Prez/ Desprez/ Jodocus Pratensis/ Jodocus a Prato... ou tout simplement Josquin. Son " vrai" nom serait Josquin Lebloitte.

Ensuite sa date de naissance. Selon les biographies, il serait né vers 1440, ou vers 1450 et même 1455.

Puis son lieu de naissance. Il est " du Nord " et appartient à l'École franco-flamande. Mais s'agit- il de la Flandre, du Hainaut, de la Picardie ( dans la région de Saint -Quentin ) ? Il écrit en français ( et parfois en italien ) mais n'est pas pour autant forcément français. D'autant plus que ces régions sont à l'époque sous la domination des ducs de Bourgogne ! La nationalité telle qu'on l'entend aujourd'hui n'a pas grand sens alors.

Enfin on lui attribue une quantité considérable d'oeuvres ( environ 240), mais toutes ne seraient pas de lui ! Il ne signait pas ses oeuvres. De plus les compositeurs empruntaient beaucoup les uns aux autres ou se servaient des mêmes chansons populaires comme bases de leurs oeuvres. Et compte- tenu de la notoriété de Josquin, les copistes et les éditeurs avaient intérêt à faire croire qu'il était l'auteur : c'était plus "vendeur" ! ( Les droits d'auteur n' apparaîtront que beaucoup plus tard ! )

Ce qui est certain c'est qu'il a été extrêmement renommé,  respecté et admiré. Il était considéré comme un des maîtres de la polyphonie et a exercé une grande influence sur les compositeurs de la Renaissance. Les premiers imprimeurs, comme Petrucci en Italie, ne s'y sont pas trompés et ont largement diffusé son oeuvre. Puis à partir du XVIIIème siècle il va être délaissé et quasiment oublié... Et redécouvert au XXème. Heureusement ! 

Ce que l'on sait aussi, c'est qu'il s'est beaucoup déplacé, notamment en Italie, comme de nombreux artistes de la Renaissance, et que son style s'est enrichi lors de ses déplacements et séjours : chantre à la collégiale de St- Quentin ( Aisne ), puis à Aix en Provence, à la cathédrale de Milan, puis au service de la famille Sforza dans la même ville,  chantre à la chapelle papale à Rome, d'où il fait de nombreux voyages ( dans toute l'Italie et en France, à Paris, à Blois à la Cour de Louis XII...), ensuite au service du duc de Ferrare. Je n'indique pas les dates, car elles sont incertaines, varient d'une source à l'autre et on perd souvent la trace de Josquin.  Une épidémie de peste le fait partir de Ferrare vers 1504 et il devient en 1505 prévôt de l'église ND de Condé- sur l'Escaut où il se fixe jusqu'à sa mort en 1521 ( Ces dernières dates semblent fiables ).

Son oeuvre, on l'a vu, est considérable, quantativement et qualitativement. Il a composé de la musique sacrée ( messes et motets ) tout comme des chansons. Il excelle aussi bien dans le recueillement et l'austérité que dans la virtuosité.

J'ai sélectionné quelques exemples que je trouve particulièrement beaux, en variant les interprètes. Bien sûr c'est subjectif ! Il faut aller sur YouTube ( ou autre ), on n'est pas déçu et on resterait des heures à écouter la musique de Josquin !

Un extrait de messe
Missa Pange Lingua, et incarnatus est " du Credo.
The Tallis Scollars Choir.



Un motet
Miserere
Hilliard Ensemble


                         Une chanson 
Déploration sur la mort de Jean Ockeghem
                   Ensemble Vox Luminis



     
                                                                                    Une chanson nettement plus gaie !                                                                                El grillo
                                                                    Hilliard Ensemble




Et bien sûr 


"Notre" chanson
Mille Regretz
Jordi Savall


samedi 16 novembre 2019

LA MUSIQUE DE LA RENAISSANCE


J'avoue à ma grande honte que jusqu'à présent j'ignorais tout ou presque de  la musique de la Renaissance. Je connaissais le nom de quelques musiciens que je situais assez vaguement, j'avais entendu quelques oeuvres et chansons, assisté à 2 ou 3 concerts ( dont celui, époustouflant, de l'ensemble Doulce Mémoire dans le cadre des "Promenades musicales") ... Et c'est tout. 
J'ai donc eu envie d'en savoir davantage et je me suis plongée dans les recherches. Et là j'ai de nouveau été confrontée à mon ignorance : les articles sur la question abondent de termes techniques auxquels je ne comprends rien ! Mais comme je suis d'une nature persévérante, je me suis accrochée et j'ai fait une synthèse un peu simplette sans doute mais, je l'espère, claire. Que les spécialistes me pardonnent mes erreurs et approximations !


La Musique de la Renaissance suit l'évolution des mentalités 

De nombreux changements se produisent durant la Renaissance, les Arts évoluent et parmi eux la musique.

- L'Humanisme met l'Homme au centre de tout et la religion catholique perd son monopole sur les Arts. Les musiciens continuent à composer pour Dieu, mais ils cherchent de plus en plus à divertir. De nouveaux genres apparaissent, et des genres jusqu'alors mineurs se développent. Les thèmes liés à l'Antiquité, à la mythologie sont exploités.

- Les musiciens voyagent beaucoup, s'influencent les uns les autres, ce qui enrichit leur art et en accélère l'évolution. Plusieurs "Écoles " dominent à tour de rôle ou simultanément. Les compositeurs sont désormais reconnus et célèbres.

- La découverte de l'imprimerie va permettre, à partir de 1501, une large diffusion des tablatures, ancêtres de nos partitions ( elles donnent des instructions, des indications spécifiques aux instruments comme la place des doigts et sont moins abstraites que les partitions. Elles sont encore utilisées pour certains instruments à cordes. ) L'éditeur français  Pierre Attaingnant (1494-1553) joue ainsi un rôle capital dans la diffusion et l'évolution de la musique.
Tablature d'une chanson de Clément Janequin
éditée par Pierre Attaingnant

- De nouveaux instruments font leur apparition. D'autres, plus anciens, sont perfectionnés.

- Les langues nationales sont de plus en plus utilisées, en particulier dans les chansons mais aussi dans les messes.

* *
*

Les genres

Quel que soit le genre, la polyphonie se développe, se renouvelle et se complexifie.



Johannes Ockeghem (vers 1420-1497)
Deo Gratias à 36 voix ! Ça laisse... sans voix !

La Musique sacrée produit principalement des messes et des motets. Ceux-ci sont polyphoniques, utilisant de 4 à... 40 voix. Ils peuvent être profanes mais sont plus généralement religieux, sans pour autant faire partie du rituel de la messe. Ils atteignent une forme de perfection avec Josquin Desprez (1440-1521) puis Palestrina (1525-1594).


Ces deux motets sont des merveilles !

La Musique profane acquiert ses lettres de noblesse et la chanson va connaître un grand succès. Elle peut être chantée à 4 voix a capella, ou accompagnée d'un ou de plusieurs instruments.  Parfois une ou plusieurs voix sont remplacées par plusieurs instruments ou un seul instrument polyphonique comme le luth. Bref, c'est un genre très libre.

Mais ce qui est remarquable c'est que musique sacrée et musique profane empruntent l'une à  l'autre : il n'est pas rare qu'une messe dite " messe parodie " soit écrite à partir d'une autre oeuvre, sacrée ou profane ( une chanson populaire par exemple ). C'est le cas de l'ancienne et célèbre chanson L'Homme armé, qui a servi de base à une quarantaine de messes, composées entre autres par Josquin Desprez ou Palestrina.

Chanson L'Homme armé 

Josquin Desprez
Messe L'Homme armé 
Par the Tallis Scholars

Par ailleurs la musique instrumentale devient peu à peu plus autonome : elle était un simple accompagnement des voix, généralement improvisé, puis elle est semi-écrite et enfin totalement écrite et de grande qualité.
Elle peut parfois totalement remplacer les voix dans une chanson.
Elle peut aussi devenir une oeuvre à part entière : ricercare ( petit prélude à une pièce plus importante), toccata ( -> "toucher", oeuvre pour clavier ), suite de danses jouant avec les variations de rythme, sonate (->"sonner" ).
De petits ensembles ( consorts ) se constituent. La pratique musicale se répand dans les milieux aisés.

Pavane, par l'ensemble Doulce Mémoire

* *
*

Les Écoles 

Elles sont nombreuses, mais deux d'entre elles dominent le paysage musical.

L'École franco-allemande

En France c'est la grande vogue de la chanson polyphonique, généralement à 4 voix, qui va connaître une sorte " d'âge d'or " au XVIème siècle. Elle peut être raffinée et exprimer des sentiments comme la mélancolie, la tristesse, les regrets, mais elle peut tout aussi bien être grivoise ! Elle est accompagnée par des instruments en nombre variable et peut servir de support à des danses, jusqu'à s'intégrer  à de somptueux ballets de cour dont François Ier par exemple était friand.

Bal à la Cour des Valois
École française 

En 1571 est créée, par le poète de la Pléiade Jean-Antoine de Baïf,  l'Académie de Musique et de Poésie, dont fait partie Ronsard, et qui a pour but de réaliser l'union de ces deux Arts.
Parmi les compositeurs les plus célèbres citons Josquin Desprez ou Després ou Des Prés, qui incarne vraiment le renouveau et qui laisse une oeuvre considérable, tant sacrée que profane. Ou Clément Janequin (1485-1558), auteur de plus de 250 chansons. Ou enfin Roland de Lassus (1532-1594), lui aussi auteur d'une vaste production dans tous les genres.

À écouter sans modération !

En Allemagne, Luther (1483-1546), figure principale de la Réforme, écrit à partir de 1524 des chants religieux, des chorals, et des messes en allemand. Il a compris qu'il n'y avait pas mieux que de la belle musique aux paroles compréhensibles pour attirer et édifier les fidèles !

Par l'ensemble Vox Luminis

Quand je pense que je me faisais de Luther
l'image d'un théologien austère et ennuyeux !
Quel stupide préjugé !

L'École italienne

Elle se répartit en plusieurs pôles dont les principaux sont Rome  et Venise.
À Rome, la Papauté lance la Contre-Réforme et, à la suite du Concile de Trente ( en 1562), demande aux compositeurs une musique religieuse moins complexe, plus accessible, afin de " récupérer " les fidèles convertis au protestantisme. Elle réclame aussi l'élimination de toute tendance "lascive" (sic). Palestrina a réussi à se conformer à ces prescriptions sans perdre de son talent.
Mais certains musiciens se détournent en partie de la musique religieuse et de ses contraintes, si bien qu'en Italie, le genre qui va supplanter tous les autres est le madrigal. Il est polyphonique et souvent chanté a capella. Le texte y est très important, rempli la plupart du temps de poésie amoureuse. Quand il est accompagné de musique, celle-ci est raffinée et expressive. Parmi ses représentants nous retrouvons Palestrina et Lassus, mais aussi Philippe de Monte (1521-1603) et, dans les derniers temps de la Renaissance, Monteverdi (1567-1643) qui assure la transition avec le Baroque.
La musique et le théâtre vont alors s'allier pour donner naissance à un genre associant musique, chant et mise en scène et qui deviendra l'Opéra. Monteverdi est le compositeur du premier opéra parvenu jusqu'à nous, L'Orfeo (1607).

Par Jordi Savall

* *
*

Les instruments


Ils sont très nombreux et ce serait long et fastidieux d'en faire la liste exhaustive.
À la Renaissance ils appartenaient à 2 catégories : hauts et bas instruments. Les premiers jouaient fort, en extérieur ( chasse, guerre...) Ou en intérieur pour des fêtes, des bals... Les seconds avaient un son doux et étaient réservés à des moments plus intimes. Seul l'orgue était autorisé dans les églises. 
On parlait aussi de familles lorsqu'un même instrument était décliné en plusieurs tailles.
Aujourd'hui on les classe aussi par familles, mais le mot n'a plus le même sens :
Les instruments à vent : flûtes ( traversière, à bec ), cromorne, cornemuse, trompette, chalémie...



À cordes : guitare, harpe, lyre ( cordes pincées ), tympanon ( cordes frappées ), violes et violon qui apparaît vers 1529 (cordes frottées ). Et surtout le LUTH, d'origine persane, très utilisé en accompagnement mais qui possède aussi son propre répertoire.  C'était l'instrument préféré de Ronsard, qui le célèbre dans certains poèmes. 


Tympanon

À clavier : orgue ( qui est aussi un instrument à vent ), clavecin, épinette, virginal ( sorte d'ancêtre du piano, très utilisé en Angleterre ) ...



Virginal



Percussions : tambour, timbales, tambourin...
Timbales


Ouf ! J'ai fini. Et j'ai fait de belles découvertes....

Si vous souhaitez de plus amples informations, j'ai repéré un dossier très intéressant réalisé par l'Académie de Versailles ( mon Académie dans mon ancienne vie ! ) 
La Musique à la Renaissance- educamus.ac-versailles.fr
Cliquez sur Dossier

Prochains articles : les musiciens dont nous commençons à apprendre les oeuvres.





mercredi 13 novembre 2019

FILMS SUR LA RENAISSANCE


Un petit film pour se plonger dans l'ambiance de la Renaissance ?

À voir ou à revoir...

Le film qui me paraît particulièrement représentatif de la Renaissance est La Princesse de  Montpensier de Bertrand Tavernier (2010). Le réalisateur s'est inspiré d'une longue nouvelle de Madame de La Fayette parue en 1662 mais dont l'intrigue se situe un siècle plus tôt,  au moment des guerres de religion en France. Tavernier s'est adjoint l'aide d'un historien pour être le plus proche possible de la réalité de l'époque.
Hormis le Comte de Chabannes qui est un personnage fictif, tous les autres sont inspirés de personnes réelles : la Princesse de Montpensier, son époux François  (Philippe dans le film), le duc Henri de Guise, ardent défenseur de la religion catholique, le duc d'Anjou, frère du roi Charles IX et futur Henri III...

De gauche à droite : Chabannes, Montpensier, Anjou, Guise.
Et au centre la belle Princesse dont tous sont amoureux !
Les guerres de religion qui font rage alors sont constamment présentes, notamment le massacre de la St-Barthélemy le 24 août 1572.
On découvre la vie de l'aristocratie, des grandes familles, de la Cour Royale... Leurs vêtements.  Leur cadre de vie ( les châteaux, avec de belles images du château de Blois par exemple ). Leurs coutumes : mariage, bals, duels, éducation... Leurs réflexions et discussions sur la religion, la poésie...




* *
*

Mais si vous voulez aussi un aperçu de la vie des "manants", vous pouvez vous tourner vers Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne.


Certes le film date un peu : 1982 ( on y voit un Depardieu encore jeune et svelte ! ) Mais il s'inspire aussi d'une histoire vraie d'usurpation d'identité et retrace bien la vie dans les campagnes, en l'occurrence l'Ariège vers 1550. On est loin de la Cour... L'usurpateur sera jugé à Toulouse en présence de Montaigne qui  parle de l'affaire dans ses Essais. 


* *
*

Dans un style beaucoup plus romancé : La Reine Margot de Patrice Chéreau ( 1994 ), avec la belle Isabelle Adjani, film adapté du roman d'Alexandre Dumas père, qui , on le sait, prenait beaucoup de libertés avec l'Histoire....
On assiste au mariage arrangé et très politique de la catholique Marguerite de Valois, soeur du Roi non moins catholique Charles IX, et du protestant Henri de Navarre, futur Henri IV. Ce mariage qui devait réconcilier les deux camps va être suivi 6 jours après par le massacre de la St-Barthélémy ( encore ! )
Ce film est d'une extrême violence, à l'image de la terrible guerre civile qui ravagea la France.


* *
*

Plus " intellectuel " est le film d'André Delvaux, l'Oeuvre au noir (1988), inspiré du roman de Marguerite Yourcenar, avec Gian Maria Volonte. 
Originaire des Flandres, Zénon, un humaniste du milieu du XVIème siècle, philosophe, médecin et alchimiste, est victime de l'Inquisition,  qui lui reproche ses pensées et ses écrits subversifs. 
Il ne s'agit pas cette fois d'un personnage réel, mais Yourcenar s'est inspirée de plusieurs penseurs persécutés par les autorités religieuses. Elle a également utilisé des passages des Cahiers de Léonard de Vinci.


* *
*

Et pour ceux qui préfèrent l'aventure et les grandes découvertes, on peut citer bien sûr 1492 de Ridley Scott (1992), avec l'incontournable Depardieu qui incarne Christophe Colomb partant avec trois caravelles à la recherche de la route des Indes et qui découvre ce qui deviendra San Salvador. 


Pour le plaisir, VANGELIS


Ou bien Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog (1972), avec un Klaus Kinski complètement déjanté dans la vie comme dans le film où il est un conquistador parti avec d'autres, en 1560, descendre l'Amazone à la recherche de l'Eldorado. Le tournage du film à failli mal finir, tout comme l'expédition ! 





Et enfin, quand on n'a pas accès aux films, on peut 
LIRE LES ROMANS QUI SOUVENT LES ONT INSPIRÉS ! 


mardi 12 novembre 2019

LA RENAISSANCE


Puisque l'un de nos prochains projets porte sur la musique de la Renaissance, je me suis dit que quelques petits rappels pouvaient être utiles.
La RENAISSANCE est à la fois une période de l'Histoire et un mouvement artistique, littéraire et culturel européen des XVème  et XVIème siècles caractérisé par un renouveau dans tous les domaines.

À la suite de nombreuses découvertes, LA CONCEPTION DE DIEU, DU MONDE ET DE L'HOMME CHANGE. C'est le début des " temps modernes ".



OÙ ET QUAND ?

La Renaissance débute en Italie au XIVème siècle puis s'étend en Espagne, Flandre, Allemagne, Angleterre, à Lyon... au XVème siècle et à toute l'Europe au XVIème siècle.  La France a donc un siècle de retard sur d'autres pays. Ce sont surtout les guerres d'Italie qui ont fait découvrir aux Français émerveillés tous les changements artistiques qu'ils ignoraient. Lorsqu'ils rentrent en France ils se lancent dans une véritable transformation qui connaît son apogée avec François Ier.
François Ier par Jean Clouet
L'identité européenne s'affirme donc géographiquement et culturellement pendant cette période.

La Renaissance s'arrête vers la fin du XVIème siècle pour laisser place progressivement au Baroque. En France on l'arrête traditionnellement à la mort d'Henri IV, en 1610.




POURQUOI " RENAISSANCE " ?

On considère qu'il s'agit d'un réveil après le Moyen-Âge, perçu ( à tort ! ) comme une longue période d'obscurité et de sommeil. 
On redécouvre l'Antiquité gréco-romaine, son architecture, sa sculpture, ses auteurs... On la remet à l'honneur, on la fait revivre, on s'en inspire.




LES FAITS MARQUANTS

- La découverte de l'imprimerie en 1450 par Gutenberg. 
Elle permet un accès beaucoup plus large, notamment pour les laïcs, à la lecture et à la connaissance. Les livres sont plus nombreux et moins coûteux que les manuscrits copiés par les moines. La diffusion des idées, notamment celles des Humanistes, se fait plus facilement à travers toute l'Europe.
Gutenberg ( à droite ) dans son atelier
- La chute de Constantinople, prise par les Turcs en 1453.
Beaucoup de savants se réfugient en Europe. Ils emportent avec eux de nombreux livres, en particulier des œuvres d'auteurs antiques. Les lettrés Européens vont les découvrir dans leur langue originale et non plus dans des traductions souvent déformantes. 

- Les découvertes scientifiques, techniques, géographiques... transforment la perception du monde.
La théorie de la rotondité de la terre s'affirme. L'héliocentrisme ( Copernic ) fait son apparition, non sans mal... Stupéfaction ! La terre ne serait plus au centre de l'univers  ! La science entre en concurrence avec les croyances religieuses.


Les progrès dans le domaine de la navigation ( la boussole par exemple ) permettent des voyages, des découvertes et des explorations : Vasco de Gama, Christophe Colomb, Magellan, Amerigo Vespucci, Jacques Cartier... et bien d'autres vont transformer l'image que l'on se faisait du monde et de ses habitants. On découvre des peuples ( des "sauvages") dont on ignorait tout et dont les valeurs sont radicalement différentes de celles des Européens. Non seulement les échanges commerciaux et intellectuels s'intensifient mais la réflexion sur l'Homme s'approfondit.


Christophe Colomb  au Nouveau Monde
Guanahari ( San Salvador, Bahamas ) le 12 octobre 1492.
Gravure sur cuivre de Théodore de Bry, 1594.

- L'officialisation des langues parlées.
Peu à  peu les langues parlées s'imposent à la place du latin dans les textes officiels des différents pays et dans la littérature. En France par exemple, par l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539,  François Ier impose le français comme langue officielle des textes juridiques et administratifs.  Cette reconnaissance des langues parlées, "vulgaires",  va également transformer la littérature et la rendre plus accessible. La Bible elle-même est traduite en langue parlée.


- La Réforme.
L'enrichissement de l'Église, sa collusion avec le pouvoir politique, le trafic des indulgences, les abus... provoquent un mouvement de contestation dont les représentants les plus connus sont Luther en Allemagne et Calvin en France. La religion catholique, toute puissante jusqu'alors, est ébranlée. Les protestants ( ou réformés, ou huguenots ) revendiquent leur liberté de culte.
Martin Luther par Lucas Cranach, 1529.



Calvin

La France va être ravagée par les guerres de religion, guerres civiles qui détruisent les familles, les amitiés, les relations de voisinage... On s'entre-tue, on se massacre. Le 24 août 1572 c'est la Saint- Barthélemy. Plus rien ne sera comme avant, c'est un coup porté à  l'optimisme de la Renaissance.
Le massacre de la Saint Barthélemy
par François Dubois, 1572 à 1584.
Henri IV parviendra à mettre fin aux guerres de religion par l'Édit de Nantes en 1598, mais la société restera marquée durablement.
La signature de l'Édit de Nantes


L'ART

Il est impossible de parler de tous les artistes de la Renaissance en quelques lignes.

Mais on peut dégager quelques principes généraux.

L'un d'entre eux,  le plus important peut- être, est que l'Homme est au centre de tout, contrairement au Moyen Âge où Dieu était au centre.

Un des objectifs que se fixent les artistes est d'égaler les œuvres de l'Antiquité, sans les copier mais en les adaptant à un nouveau contexte.

En architecture, on continue bien sûr à construire des églises.  Mais on construit aussi beaucoup de châteaux et de palais. Ils perdent leur mission défensive au profit de l'esthétique, de la richesse des matériaux et des ornements, du confort. Les Seigneurs qui les possèdent cherchent à se faire plaisir et à impressionner. En France on pense évidemment aux châteaux de la Loire. Mais on peut citer aussi celui d'Écouen, devenu Musée National de la Renaissance.

Château d'Ecouen

La sculpture s'éloigne des thèmes religieux et leur préfère la mythologie et la représentation du corps humain.
David de Michel-Ange (1501-1504)





















Il en est de même pour la peinture.
Les artistes peignent des sujets mythologiques mais aussi des événements d'actualité ( comme ci-dessus la découverte du Nouveau Monde, la St-Barthélemy, l'Edit de Nantes...) et des portraits qui représentent de " vraies personnes " de façon réaliste et non plus symbolique.
Les peintres découvrent la perspective : ils adoptent le point de vue du spectateur, respectent les échelles, et renoncent ainsi à une vision religieuse qui représentait l'homme tout en bas et minuscule.
On invente la technique de la peinture à l'huile et on utilise la toile qui permettent de déplacer les tableaux et d'en posséder chez soi.

La Dame à l'hermine de Léonard de Vinci
(1488-90)
Cecilia Gallerani,  maîtresse de
Ludovic Sforza, Duc de Milan.




L'artiste s'affirme.  Il ne cherche plus à glorifier Dieu en s'effaçant mais il veut plaire à son mécène et assurer sa propre gloire. Même les architectes signent leurs monuments, alors qu'ils restaient la plupart du temps anonymes aux siècles précédents.


La littérature n'est pas en reste. Elle est dominée par l'Humanisme. Ce mot contient à lui seul les préoccupations de l'époque  : Humanisme = humain= être humain au centre + Humanitas = Humanités, " faire ses humanités " = étudier la culture gréco-latine. 







Et pour finir en beauté,  voici le début de l'un des plus célèbres poèmes de la Renaissance et de tous les temps, l'Ode à Cassandre de Pierre de Ronsard (1545) :

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée 
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
...

Vous connaissez la suite...