mardi 24 mars 2020

REPETITION 24 MARS


Le confinement a commencé le mardi 17 mars.

Mardi 24 mars.
Nous continuons les répétitions.
Notre chef a trouvé comment contourner les lois, les règlements, le confinement, la quarantaine, le couvre-feu... Sa recette s'appelle l'imagination, la poésie,  le talent.




Bonsoir…
La majeur comme d’habitude…
Pour les vocalises, vous pouvez retirer vos masques…
Merci…
Vi vi vi vi …
Bonsoir Madame la Présidente… Prenez place…
Reprenons…
Vi vi vi vi pour les soprano…
La alti font ensuite rus rus rus rus et les hommes finissent par Paf !
On y va…
Très bien, mais si les hommes ne frappent pas plus fort le Paf ! on ne va pas s’en sortir…
Un Paf genre Dies irae… Merci…
On reprend… C’est mieux…
Maintenant un peu d’articulation…
La distanciation sociale désociabilise mais sécurise…
Allez, plus vite…
Bonjour Marielle…
Un autre…
Un confiné déconfiné finit plus con qu’un finé déconfini…
Non, là vous me faites de la confiture, c’est hors sujet…
Le confit d’oie aussi…
C’est mieux…
Oui, les ténors, je sais, ça ne veut rien dire mais l’important est ailleurs…
Petite pause, Marie retire son pull…
C’est bien pour aujourd’hui… Asseyez-vous…
Prenons Arvo Pärt…
Ecoutez d’abord le piano et ensuite…
Les basses, qu’est ce que j’ai dit ?
Ecoutez le piano et ensuite on y va, comme si vous veniez de nulle part…
Un peu comme un truc auquel on ne s’attend pas et qui arrive par surprise…
Mais une surprise sournoise…
Le piano scintille (Je veux dire par là le jeu du pianiste, parce que le piano ça fait au moins quinze jours que la poussière n’a pas été époussetée…)
Des petites lumières s’allument dans le piano… Comme un nuage vaporeux empli de petits spoutniks colorés qui tournoient… La brume soulève le couvercle du piano… Tout ce qui est dessus se casse la figure… On avait dit de ne rien poser sur le piano !!!!
Et les petites lumières cheminent vers les choristes… Alors, tour à tour, les quatre parties s’allument et s’éteignent… Un halo de luminescences tournoie… Plus lent… Plus piano encore… Des souffles de vie, de santé… Qui se mêlent les uns aux autres et qui ne font que de la beauté… Rien d’autre… Alors la dernière mesure arrive, le piano (la nuance) devient issimo et se réfugie dans le piano (l’instrument)… Tous les choristes suivent les petites lampes qui elles aussi entrent dans l’instrument… Et tout le monde se retrouve autour du piano… Et le capot se referme comme un coucher de soleil qui se lève…
Pas de commentaires s’il vous plaît…
Qu’est ce que j’ai dit les soprano… Pas de com-men-tai-res…
Nous sommes en place pour la Pavane…
Les hommes d’abord… Enfin… les basses…
Bêêêêle…
C’est pas ça, on reprend…
Belle qui tient ma vie…
Les ténors avec les basses…
Oui, c’est beau…
On se prendrait à vouloir tout écouter de cette manière…
Jalousie des autres pupitres aussitôt dissipée par les alti qui se mêlent à la danse…
Les soprano (ou sopranos ou soprani) font le sucre glace sur le gâteau, la laque sur la mise en plis, le rimmel sur les paupières… Mais surtout la touche céleste, la divine irisation, l’élévation suprême…
Jalousie de trois pupitres… C’est dur la vie d’un chœur, je suis d’accord… Mais celle du chef, qu’est ce que vous en faîtes ?
Enfin la pause…
Je dis enfin, c’est idiot, car la pause, depuis que le football est arrêté, elle est devenue inutile…
Petit conseil de santé d’Aurélie qui nous explique que le meilleur remède c’est tout de même le cidre d’Ouilly le Vicomte… Ou le calva pour les basses…
On reprend…
Mozart…
On ne dira pas le titre, ça pourrait faire peur…
La fugue du Kyrie… Il faut que ça coule, ne pas se raidir, se laisser porter par la structure de la fugue… Se laisser emmener vers les hauteurs avec le génial système de modulation de le dernière partie… On s’élève tout seul, surtout sans effort… Et on grimpe… Fa dièse, sol… Sol dièse… allez, on y est… LAAAAAA…
Bravissimo ! Les roses, les pervenches, les tulipes jaillissent sur la scène…
Le Dies Irae… Pareil, laissez-vous porter par la fureur… Il y a un ennemi, profitez-en… Vouez-le aux flammes de l’enfer, au gel hydroalcoolique, piétinez-le… (Mais allez-vous laver les pieds ensuite…), détruisez-le en chantant à tue-tête sous votre douche, il déteste la justesse, lui, il n’aime que le faux… Alors allez-y… Fortissimo… Il va vous détester…
Lacrimosa ? On change les paroles… Rigolosa, ce sera plus festif… Mais, cependant, comme la caresse d’une main sur la soie d’une peau, avec la conviction d’une douceur accomplie…
22h04… Désolé…
La nuit est revenue, avec ses étoiles qui repartent chacune dans leur petit logis, éclairer d’une lueur harmonique l’optimisme à garder…
Restez bien au chaud de vos intérieurs…
Ne sortez que pour acheter des nouilles et du beurre et un peu de cidre et pas trop de calva…
Faîtes comme ils on dit partout et ailleurs encore…
Et ce que l’on ne peut plus faire maintenant on le fera plus tard…
On a la vie devant nous, nous ne sommes que mardi…
Je vous embrasse tant et plus…
Portez vous bien…
A très bientôt…
Emmanuel





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